AP Benhayoun
La peste de Marseille débute le 20 juin 1720 vraisemblablement importée par le navire, Le Grand-Saint-Antoine, à quai depuis le mois de mai, qui revenait de Syrie et transportait des soieries contaminées destinées à la foire de Beaucaire.
Selon le constat de J.N Biraben, la peste de Marseille ne s’est pas étendue en Provence par voisinage continu, en tache d’huile. Elle s’étend par foyers compartimentés, isolés entre eux par des paroisses indemnes. L’extension de la peste suit les routes. Il en déduit que la peste en Provence ne s’est pas disséminée de terrier à terrier par des rongeurs sauvages, mais bien par l’Homme en déplacement.
Une autre théorie est celle de Frédérique Audouin-Rouzeau qui considère que la peste de Provence est bien une peste par puces du rat, les rats nichant dans les ballots d’étoffe et de vêtements transportés à pied ou à charrettes sur les routes.
Elle s’étend hors de la ville à partir du 21 juillet 1720, le 1er aout elle touche Cassis à l’est, Aix-en-Provence et Apt au Nord. Fin août, elle atteint Toulon et se répand ensuite dans toute la Provence et le Languedoc jusqu’à la fin de 1722 et après des interruptions hivernales.
Le 14 septembre 1720, le Conseil du Roi promulgue un arrêt mettant en quarantaine toute la Provence pour éviter la propagation de l’épidémie, mais celle-ci reprend son intensité au printemps 1721, pour s’éteindre progressivement l’année suivante.
A l’époque l’encadrement médical étant faible, il n’y avait pas d’autres moyens que d’interdire les déplacements. Se déplacer sans attestation pouvait entraîner la peine de mort (1).
Au total cette peste de 1720-1722 a touché 242 communautés de Provence, Comtat et Languedoc faisant près de 120 000 victimes sur les 400 000 habitants que comptait la Provence à cette époque, soit près d’un tiers de la population.
La réaction dominante de la population est la fuite. Les plus aisés (bourgeoisie urbaine) se réfugient dans leurs bastides de terroir. Les autres chez des parents éloignés quand ils en ont. Des familles abandonnent leurs malades en laissant une cruche d’eau. Les gens des villes fuient dans les villages environnants, ceux des villages dans les hameaux, et ceux des hameaux dans des cabanes en forêt ou en montagne. D’autres restent barricadés chez eux.
« Tandis que dans les villes maritimes la volupté souillait des âmes jusqu’alors pures, les courtisanes d’Aix, au contraire, comme frappées d’une inspiration divine et d’un soudain repentir, couraient aux infirmeries se dévouer à une mort certaine en servant les malades. »
La réponse des Autorités
Après presque trois siècles d’expériences répétées de peste, le Parlement de Provence s’était doté d’un règlement en 127 articles sur les mesures à prendre. Ce règlement prévoit une interdiction de circulation et le blocus des communautés atteintes. Encore faut-il être informé pour déclencher les mesures. Il existe un réseau informel de correspondants, mais qui fonctionne de façon indirecte, c’est-à-dire qu’une ville ne dira pas que la peste est chez elle, elle informera une autre ville que la peste est dans une troisième ville. Pour s’informer, des villes envoient des missions d’enquêtes, composées de médecins et de magistrats.
89 postes de garde bloquent les principales routes de sortie de Marseille. Des barrières-marchés sont mis en place : les affaires se traitent à portée de voix, les marchandises sont apportées, et laissées sur la route de l’autre côté de la barrière, que les bloqués viennent chercher. Dans les villes on nomme des « bureaux de santé » qui ont tout pouvoir pour prendre les mesures d’urgences. Dès le 5 août 1720, les ports et points de passage sur la Durance sont bloqués. Pour circuler, il faut un billet de santé, attestant que l’on vient d’une ville saine.
(1) Les règlements sont très sévères, les troupes peuvent tirer à vue sur ceux qui tentent de franchir les lignes, avec exécution immédiate et sans procès des personnes prises échappées de quarantaine.
L’attestation dérogatoire du Covid-19